Si vous voulez que votre navigation première se passe au mieux, il faut bien l’organiser, c’est une évidence. Vous retrouverez ici 6 conseils pour bien préparer sa première navigation.
C’est ce que nous avons fait pour des amis à nous, Alex et Caroline. Ils ont acheté leur premier voilier à Tahiti il y a quelque temps. Mais ils vivent actuellement à Bora-Bora et souhaitaient donc le ramener ici afin de pouvoir en profiter.
N’ayant encore jamais navigué, ils nous ont demandé de l’aide et des conseils pour préparer ce premier voyage en mer. Une traversée très longue pour des néophytes, puisqu’ils passeront plus de 30 heures au large !
Cet article reprend pour vous les principaux conseils que nous leur avons donnés ainsi que leurs préparatifs à eux et le résumé de cette première navigation qui fut un peu chaotique il faut l’avouer (ils ont débuté par une navigation nettement plus difficile que ce que nous vous conseillons).
Préparer sa première navigation : D’abord la planifier
Ce n’est pas une navigation anodine et nous vous conseillons de commencer par des trajets plus courts, allants de quelques heures à une journée au maximum. Autant éviter la nuit en mer quand on débute :).
À l’époque (pour Mary) où nous étions en France nous avons commencé par naviguer en rivière. La proximité de la terre étant plus rassurante.
En Polynésie en privilégiera la navigation lagonaire pour débuter.
Le choix de la destination et/ou de la route
- On peut bien sûr juste faire une petite boucle et revenir à son point de départ, c’est ce qui se fait le plus souvent. On choisira alors sa route selon la direction du vent (privilégier le vent de travers).
- Si vous ne faites pas une boucle : se renseigner sur le mouillage ou la marina d’arrivée (places disponibles, facilitées d’accès…)
- Prévoir une distance courte, 50 miles maximum. Le mieux : une quinzaine de milles, ça vous laisse le temps d’expérimenter sans prendre trop de risque en ce qui concerne la météo.
- En fonction des vents dominants, préféré le grand largue ou vent de travers. Éviter les navigations au près serré pour commencer si possible. Mais si vous faites une « boucle », commencez par remonter au vent. Puis une fois assez « haut » par rapport à votre point de départ, c’est le moment de tester les différentes allures et manœuvres pour rentrer à bon port !
- Vérifier que vous possèdez bien les cartes correspondant à la navigation prévue (et l’annuaire des marées aussi pour la France ou d’autres pays ayant des marées importantes).
-> Nous naviguons avec OpenCPN, et avons donc les cartes numériques correspondants aux navigations prévues. Nous possédons également les cartes papier pour la Polynésie, mais nous les utilisons très peu. Il est toutefois bon de les prévoir en cas de panne d’ordinateur/GPS traceur de carte (ou tablette/téléphone, selon l’outil de navigation que vous utilisez. Il faudra savoir les utiliser.
Bien préparer son bateau est aussi très important
Certains feront leurs premières expériences de navigation sur un voilier qui n’est pas le leur. C’est bien, mais soyez sûr que votre bateau sera différent ! Pas le même type de voilure, pas la même réaction aux manœuvres de barre… Pareillement si vous avez déjà voyagé en mer au préalable, la première fois que vous prendrez la barre de votre propre navire sera une expérience différente !
Dans tous les cas, quel que soit le bateau, il est important qu’il soit prêt à naviguer. Tous les problèmes qui auront été résolus avant le départ n’arriveront pas en mer !
Vous pouvez reprendre ici les « 7 check-listes pour bien préparer son départ en voilier ».
Le « Trait d’union », le voilier d’Alex et Caro, avait été caréné récemment, la coque avait donc déjà été bien vérifiée. De plus, Alex avait fait venir un professionnel pour faire contrôler l’électricité et un autre pour le gréement.
En effet, si vous pensez ne pas avoir les compétences nécessaires pour vérifier vous-même le moteur, le gréement et l’électricité de votre voilier. Faites intervenir un professionnel.
En général, avec le temps, on finit par bien connaitre son bateau et ne plus avoir besoin de ce genre de services.
Vérifier également que vous avez les pièces de rechange de base à bord (toujours dans vos 7 check-listes)
Ainsi dans notre cas, à peine quelques mètres après avoir largué le corps mort au départ de Taravao, ils se sont aperçu qu’il n’y avait plus d’eau qui sortait au niveau du pot d’échappement. Ils ont donc rapidement attrapé un nouveau corps mort et changé l’impeller du moteur qui avait rendu l’âme : la pièce de rechange était bien là.
C’est là également que la présence d’une personne ayant déjà l’habitude de naviguer en voilier est intéressante. Antonin ayant déjà connu ce genre de problème a tout de suite diagnostiqué la panne et a changé la pièce rapidement.
Attention : N’oubliez pas de vérifier que tout est bien attaché à bord ! En effet ici la mer a été beaucoup plus agitée que prévu et le radeau de survie a failli partir à la mer. Il avait l’air bien attachée, mais la tension des cordes n’avait pas était vérifié… Heureusement il y a un filet tout autour du voilier sur les filières, cette famille a également des enfants !
Antonin ne l’a rejoint que la veille au soir avant le départ.
Alex avait rejoint son voilier 1 semaine avant la date de départ prévu afin de bien finir les préparatifs de son voilier et notamment le second point : vérifier le matériel de sécurité.
Ne pas oublier de vérifier le matériel de sécurité
Il dépend principalement de l’éloignement d’un abri. Pour une petite sortie à la journée il reste réduit.
Vous retrouverez la liste du matériel de sécurité obligatoire (division 240) dans vos 7 check-listes. Vérifier la date de péremption de vos fusées de détresse, de votre radeau de survie …
Vérifier l’enregistrement de votre poste de radio (VHF, BLU …) et de vos balise de survie auprès de l’Agence Nationale des fréquences.
La sécurité est vraiment un élément très important à votre charge sur un voilier. En effet il n’y a pas de permis obligatoire pour naviguer à la voile, mais vous êtes là pour prendre du plaisir en mer, pas pour risquer votre vie ou celle des autres !
Pour bien préparer sa première navigation, choisir l’équipage est vraiment indispensable
Vous pouvez bien sûr, comme de plus en plus de personnes le font, commencer par prendre des cours avec un professionnel. Formateur en voile dans une école comme celle des Glénans par exemple.
Si c’est déjà votre cas, cela sera un petit rappel pour vous puisque ce que je vous explique ici, vous l’aurez déjà appris de manière plus complète.
Vous pouvez aussi faire vos premiers essais seul avec votre bateau (ou en couple, ou avec d’autres personnes ne sachant pas naviguer).
Dans ce cas, visez la sécurité maximum. Navigation courte, par bonne météo, sur un itinéraire facile. Un incident sur un voilier peut vite avoir de graves conséquences. Doigts écrasés, homme à la mer … Prenez votre sécurité et celle de votre navire au sérieux !
Et troisième possibilité, celle que nous vous détaillons ici :
Partir avec quelqu’un qui a de bonnes connaissance en navigation. Un ami et/ou un skipper professionnel. Comme a choisi de le faire Alex.
Dans ce cas il y a plusieurs options :
- Soit vous êtes en mode formation : votre ami est le capitaine du bateau, il vous expliquera toutes les manœuvres au fur et à mesure de la navigation. Le pourquoi du comment il faut les faire, ce qu’il ne faut surtout pas faire (et il y a pas mal de choses !)
- Deuxième possibilité, une fois que vous avez quelques connaissances vous faite comme si vous étiez le capitaine. Votre ami ne doit être là qu’en cas de souci, c’est à vous de prendre les responsabilités et décider des manœuvres. C’est votre voilier, votre ami sera là juste pour confirmer ou non la justesse de votre décision.
-> Ici Antonin a été le capitaine pendant la navigation. Ce n’était pas vraiment par choix, mais par nécessitée, la navigation prévue (distance, météo) étant trop difficile pour qu’un débutant puisse s’en charger.
Si par la suite vous pensez naviguer en couple ou en famille, je pense qu’il est aussi bien que tout le monde soit présent afin de trouver sa place à bord (on évitera peut-être les enfants de moins de 5 ans, ne sachant pas nager, pour les premières navigations).
Les enfants plus grands (10 ans ou plus) pouvant participer aux manœuvres. Si votre enfant a entre 5 et 10 ans il pourra participer aussi, et un peu plus tard, quand la famille sera plus à l’aise à bord.
-> Toutefois, je vous laisse seul juge. Vous connaissez vos enfants et votre objectif ! À vous de voir si vous pensez que leur présence est pertinente pour débuter. Il faudra évidemment qu’un adulte soit présent pour les encadrer et leur expliquer les règles de sécurités à bord d’un voilier !
Préparer sa première navigation : Vérifier la météo sinon c’est pas rigolo
C’est un des points primordiaux. L’idéal étant de partir avec un peu de vent, mais pas trop (10 à 20 noeuds).
Et une houle la moins forte possible.
Plus le temps sera clément, plus vous pourrez faire vos manœuvres tranquillement, sans panique inutile. Plus vous serez rassuré et en confiance pour les navigations futures.
Si la météo n’est pas bonne, annulez la sortie en mer. C’est d’une part une question de prudence, mais aussi, cela évitera de vous stresser inutilement et ensuite d’être dégouté de la mer ou d’avoir peur de repartir !
Ici ça n’a malheureusement pas été possible. En effet Alex et Antonin avaient quand même déjà payé leurs billets d’avion à destination de Tahiti et n’étaient pas sûrs d’avoir du temps disponible, dans les mois qui suivent, pour réaliser cette navigation.
Notez qu’il est toujours possible dans ce genre de cas de faire convoyer son bateau par d’autres personnes. Ne vous sentez pas obligé de tenter cette expérience si vous ne vous sentez pas prêt !
Préparer sa première navigation : Choisissez soigneusement votre référent à terre !
N’oubliez pas, à chaque fois que vous partez en mer, d’avoir un référent à terre chargé entre autres de prévenir les secours s’il y a un problème en mer.
Souvent un membre de la famille, la personne choisie doit être conscient des aléas de la navigation à la voile. Un changement météo, un petit souci technique … la navigation peut durer beaucoup plus longtemps que prévu à la base. Il ne faudra pas prévenir les secours pour rien !
Et il faudra aussi les prévenir de manière adéquate s’il y a un vrai problème.
Vous préviendrez ces personnes de votre lieu exact de départ ainsi que de la date de l’heure et du nombre de personnes à bord (nom, prénom, âge, soucis de santé éventuels…)
Vous leur donnerez également des indications sur la route prévue (même si on sait qu’elle est susceptible de changer selon la météo)
N’oubliez pas de leur préciser que vos date et heure estimées d’arrivée !
Mais également le délai au bout duquel ils doivent prévenir les secours s’ils n’ont pas de nouvelle.
Pour cela on peut facilement doubler la durée de la navigation prévue. En effet en mer, on est tributaire des éléments. Et une voile déchirée ou un moteur en panne, sans danger pour les marins à bord du navire, peut faire perdre facilement de nombreuses heures.
Vous pourrez également donner régulièrement des nouvelles, si le réseau téléphonique est disponible, tout en prévenant bien que le téléphone portable est un des objets qui tombe facilement à la mer. Donc une heure sans nouvelles ne veut pas dire qu’il y a un problème à bord !!!
Et bien entendu, prévenez votre référent dès que vous êtes arrivé à destination !
Il en sera heureux et rassuré !
Larguer les amarres ! Ou la navigation du « trait d’union »
Le « trait d’union » est un rêve d’antille, un voilier en acier de 11 mètres .
Il est parti de Tahiti (Taravao) pour aller à Bora-Bora (Anau), une route de 170 miles nautiques.
Avec trois personnes à bord pour cette navigation : Antonin, le skipper, Alex le propriétaire et Orphé une équipière ayant déjà un peu navigué (2-3 petites navigations) et souhaitant se former.
La météo prévoyait un coup de vent pour le lendemain (vents entre 25 et 35 noeuds) il aurait donc été préférable d’annuler, mais les circonstances ne s’y prêtaient pas et les 3 membres de l’équipage étaient partant pour cette petite navigation qui s’annonçait un peu musclée.
Ils avaient décidé de quitter le mouillage en milieu de matinée afin d’être sûrs d’arriver à Bora-Bora dans la journée, et non pas de nuit.
Je vous ai déjà parlé de leur faux départ, pour cause d’impeller récalcitrant; donc départ repoussé à midi. Voici la suite du voyage :
Il débuta plutôt bien. Par la pêche d’un beau thon.
Le premier jour, le vent était bon (20 noeuds, de travers) et le bateau avançait bien (6 noeuds) au bon cap.
Antonin avait été obligé de passer un petit moment à rerégler le pilote automatique, qui fonctionnait bien dans le lagon au moteur, mais remontait au vent dès qu’ils en furent à la voile. C’était la biellette de renvoi d’angle, celle qui indique au pilote s’il faut abattre ou lofer qui était mal réglé.
La première nuit fut OK aussi, mais le vent et la mer commençaient à se lever.
Le deuxième jour, fatigué, le moral un peu bas du fait de se faire secouer dans tous les sens, le vent et la mer continuant à se lever, Alex et Orphée subirent les désagréments du mal de mer.
Alex, le propriétaire du bateau se sentant totalement impuissant.
Ce fut une journée épuisante pour tout le monde.
Heureusement le cap et la vitesse du bateau restaient corrects, et ils se rapprochaient petit à petit de leurs destinations.
Durant la journée, ils purent voir une grosse barre de nuage noir qui bouchait une partie de l’horizon. Antonin décida de virer de bord. Ils commençaient de toute manière à aller trop au sud de Raiatea, et autant éviter ces gros grains menaçant dans la mesure du possible.
Ils arrivèrent à la passe Sud de Raiatea vers 19h30. Malheureusement elle n’était pas praticable avec cette forte houle, et les balises de l’entrée ne sont pas éclairées.
Le moteur commença alors à avoir des ratés !
Antonin commença à y regarder. Mais épuisé par ces 30 premières heures de traversée il décida de prendre d’abord un peu de repos. Il alla donc se couché donnant comme consigne aux autres de tirer des bords pour remonter vers la passe de Teavapiti à 7 miles nautiques au Nord.
Ils y arrivèrent aux alentours de 1 heur du matin. Antonin réveillé un peu auparavant avait eu le temps de regarder au moteur de plus près et de constater qu’il y avait une prise d’air sur l’arrivé de Gazoil. Il décida donc de la chuinter et de mettre un tuyau pour prendre le gazoil directement dans un bidon.
Ce détail une fois réglé ils peuvent passer la passe en toute sécurité. De plus Antonin l’avais déjà prise de nuit.
Ils rejoignirent alors tranquillement dans le lagon, la baie d’Apu à Tahaa ou il y a toujours des corps morts disponible.
Ils y passèrent une fin de nuit tranquille, de 2h30 jusqu’à 8h.
Le lendemain matin, rangement et préparation du voilier, car de nuits en arrivant ils avaient ferlé les voiles à la va-vite avant d’aller dormir.
Puis nouveau départ aux alentours de 10h30.
C’est parti pour encore une longue journée de mer. Mais le temps s’est légèrement calmé et après cette petite nuit de sommeil ils n’ont qu’une hâte : arriver à destination.
Une fin de navigation un peu plus tranquille, même s’ils arriveront au mouillage à la tombée du jour sous un gros grain !
Heureusement, Alex n’est pas dégouté par cette première navigation difficile. Et il trouve qu’elle a été riche d’enseignement. Même s’il n’a pas du tout aimé l’impression qu’il a eu de ne rien maitriser à bord en ces jours de mer agitée ! En effet dès qu’il y a un peu de vent, il faut aller vite ! Pas facile quand on débute !
Mais ça y est le bateau est là. Et toute la famille pourra le tester tranquillement petit à petit en restant tranquillement dans le magnifique lagon de Bora Bora.
Conclusion : « Faites ce que je dis, pas ce que je fais », comme le dit l’expression.
Ne partez pas pour votre première navigation par mauvais temps !!! Et faites-le sur une distance courte ! Ça évite de cumuler les incidents pour une première fois !